Du 24 mars au 5 avril – Compagnie KMK avec « Espérance de vi(ll)e »

Résidence de création du 24 mars au 5 avril

Compagnie KMK avec "Espérance de vi(lle)"

Sortie de résidence : Jeudi 3 avril · 18h30

Esplanade de l’Encan – La Rochelle

En création : Espérance de vi(ll)e

Création 2025
Spectacle tout public à partir de 8 ans
Durée : 1h30

Espérance de vi(ll)e questionne notre place sur la ligne du temps. Qui vivait là avant nous ? De qui serons-nous les ancêtres ? Cette performance donne à entendre l’histoire passée, présente et future d’un bâtiment de la banlieue parisienne à travers différents moments de vie de ses habitant·e·s successif·ve·s.

La compagnie KMK a choisi d’appuyer son écriture sur la réalité d’un ancien corps de ferme situé en banlieue d’une grande ville, actuellement lieu de résidence d’artistes, qui sera prochainement démoli pour laisser place à un autre projet. À travers l’évolution singulière de ce bâtiment et l’évocation des vies qui l’ont habité et de celles qui viendront, la création fait écho aux transformations urbaines communes aux villes de banlieue des métropoles. »

© Atelline

Équipe

Direction artistique : Véronique Pény
Autrices : Véronique Pény, Abigaël Lordon
Dramaturgie sonore : Fabien Lartigue
Création sonore : Christophe Modica
Interprète, activatrice : Mathilde Malan
Construction, régie générale : Arnaud Rincy
Administration : Alexandre Legay
Production : Agathe Delaporte (Akompani)
Équipe en cours

Co-productions et soutiens : CNAREP : Sur le Pont – La Rochelle, Pronomade(s) – Encausse-les-Thermes / Atelier 231 – Sotteville-lès-Rouen, Le Boulon – Vieux Condé / L’Atelline, Juvignac / Coopérative de Rue et de Cirque, Paris / 6Mettre – Pôle de  création transdisciplinaire dédié aux arts vivants, Fresnes / Animakt, Saulx-les-Chartreux / Aide à la résidence, Mairie de Paris / Hors Cadre 2022, Association des CNAREP

La Compagnie KMK est conventionnée par la DRAC Île-de-France et soutenue par la Région Île-de-France dans le cadre de la Permanence Artistique et Culturelle.

Compagnie KMK

(Fresnes – 94)

KMK est une compagnie artistique dont le terrain d’exploration et d’expression est essentiellement l’espace public. KMK construit un langage, invente des processus de création où s’entremêlent et se répondent différentes disciplines notamment les arts visuels, la performance, la création sonore, la danse et la littérature.
Les projets de KMK scrutent notre quotidien, notre manière d’être au monde, les espaces que nous fabriquons, notre géographie intime et notre rapport aux paysages. KMK cultive un art de l’expérience où le spectateur est placé dans une situation particulière, que ce soit par la promenade ou installé dans une salle d’attente…
Depuis une quinzaine d’années, KMK a privilégié les créations en lien étroit avec un territoire en intervenant sur des temps longs, en développant une écriture contextuelle et en partageant avec le public les différentes étapes de la création, dans un esprit de rencontre et d’hospitalité. Pour ce type de projets, tant le processus d’élaboration que la question de la trace, de ce qui est laissé au moment de partir font partie intégrante de la démarche.
Fondée en 1989 par un collectif de plasticiens-scénographes, la compagnie a déjà eu plusieurs « vies » et lieux de résidence (franciliens).
L’équipe est composée d’artistes issus de différents champs de la création : plasticiens-scénographes, danseurs, comédiens, vidéaste, photographe, créateur et reporter sonore qui élaborent ensemble un vocabulaire et un imaginaire commun.

Créations : Point de fuite (2000) / Roman Fleuve (2002) / Île des Hertz (2008) / Eau de Là (2010) / Ailleurs à (2010) / Voyageurs de la Marne (2013) / Qu’est-ce qu’il y a juste après ? (2015) / Rendez-vous sur les plages (2016) / Nos cœurs ouverts (2018) / Portraits sensibles (2019) / Ravie (2021)

Pour aller plus loin… la note d’intention

Véronique Pény
Je suis arrivée à un âge où j’ai dépassé le milieu de mon espérance de vie. Et en plus d’avoir assez peu déménagé, je suis revenue habiter dans l’appartement de mon enfance. J’habite dans la ville où j’ai grandi et passé la plus grande partie de mon existence.
J’ai toujours été attirée par les terrains vagues, les dents creuses dont les murs mitoyens laissent parfois apparaître des restes de peintures ou de tapisseries, le dessin des conduits de cheminées ou d’autres traces d’habitation. Espace résiduel, indéterminé, vacant, témoin silencieux du passé, terrain de mémoire. Et simultanément une ouverture, un espace libre, propice à l’impromptu, à l’illicite, à l’imaginaire, au futur… Un espace par lequel la ville respire, un morceau de vi(ll)e en creux. Il me semble qu’il s’agit d’une espèce d’espace en voie de disparition, les constructions neuves succèdent rapidement aux démolitions. Le vide est banni par l’ordre de densifier.
Il y a une quinzaine d’années, j’ai eu le choc de voir des bulldozers attaquer mon ancien collège. En quelques jours, il avait disparu. Plus de bâtiment pour héberger mes souvenirs, conserver leur décor. Je n’ai même pas retrouvé de photos. Rapidement, j’ai eu l’impression que les contours de ma mémoire devenaient plus flous. Un nouveau collège, fier et moderne a été construit sur le même emplacement, effaçant définitivement la mémoire du premier, si ce n’est le soubassement en pierres meulières. Le temps a passé, et ma fille a été scolarisée dans ce nouveau collège qui lui-même abrite aujourd’hui ses souvenirs. Au moment d’écrire ces lignes, je découvre que le 1% artistique avait été consacré au tracé au sol des plans du vieux bâtiment.
J’habite une ville qui appartient au Grand Paris, et vois depuis cinq ans pousser d’innombrables chantiers dus aux creusements de nouvelles stations de métro et à la pression immobilière qui en découle. Des parcelles pavillonnaires et d’anciens ateliers ou garages sont démolis et transformés en ensembles d’immeubles assez denses, d’une vingtaine de mètres de haut en moyenne, ce qui modifie considérablement la silhouette des rues. Il m’arrive d’hésiter à certains carrefours qui ne ressemblent plus aux souvenirs encore proches que j’en ai. Je suis troublée, déstabilisée.
Pendant plusieurs décennies, il m’a semblé que la ville se modifiait doucement, que j’avais le temps d’en assimiler les changements, si bien qu’elle me paraissait égale à elle-même, inchangée. Sans entrer aucunement dans des considérations esthétiques, j’avais le sentiment d’évoluer dans un environnement tangible sur lequel je pouvais compter. La brusque accélération du processus de densification à l’œuvre en ce moment – j’ai lu que la
population de la ville devrait augmenter de 20 000 habitant·e·s avant la fin de la décennie 2020 – a remis cette certitude en question.
Je commence à comprendre, plus seulement intellectuellement, mais aussi au travers des sensations et des émotions que je traverse, ce qu’ont pu vivre les générations des années 50, qui avaient connu les derniers champs, les dernières fermes, qui vivaient quasiment à la campagne et ont vu pousser les premiers grands ensembles, les groupes scolaires, les centres commerciaux, et tous les grands aménagements urbains.
Ce récit relate mon expérience personnelle et intime, et elle est en même temps banale et largement partagée par tout humain qui a la chance de vieillir de voir sa place et son point de vue évoluer sur la ligne du temps. Il me permet d’illustrer le point de départ ou l’élément déclencheur du projet de création Espérance de vi(ll)e. Cette expression valise, qui rassemble vie et ville, l’individu et le collectif, le sensible et la donnée mathématique, le vivant et le bâti, fait un pont entre le passé et le futur.
Forte d’une collaboration riche, de plus d’une décennie, autour des questions essentielles qui constituent la démarche de KMK : le rapport aux paysages, au temps, à l’hospitalité, j’ai tout naturellement eu envie de proposer un ping-pong d’idées et la co-écriture de ce projet à Abigaël Lordon.

 
Abigaël Lordon
Sur la courbe de l’espérance de vie je suis plutôt dans l’été de mon existence. À 36 ans j’ai déménagé 18 fois soit la moitié de mon âge. Pourtant je vois aussi combien le paysage *est* transformé, quasiment à l’œil nu. Je me laisse parfois guider à l’aveugle par mon instinct dans des rues que je ne connais plus mais dont mes cellules se souviennent. À l’inverse je superpose mes souvenirs d’endroits où j’ai habité avec l’existant – le devenu – et force est de constater qu’une infime partie de moi est coulée dans un urbanisme souverain. J’ai vécu dans des grandes villes, des petits villages et en banlieue. L’urbanité est le signe d’une ville qui respire, cependant, l’amoncellement de béton m’apparaît aujourd’hui comme l’emblème de cette coupure des cycles de la vie. La pratique de l’urbanisme dans un contexte de changement climatique est pour moi un sujet inévitable à ce jour.
Il y a des années j’ai éprouvé la curiosité de voir dans la durée lesquel·le·s de mes ancêtres avait vécu·e·s en mêmes temps. Qui était mort·e quand qui d’autre était vivant·e ? Quel était la configuration des âges dans la famille au moment de la guerre ?… J’ai dessiné mon arbre généalogique sous forme de lignes de temps et ce processus m’a beaucoup éclairée. Espérance de vi(ll)e vient faire résonner ce goût pour l’exploration graphique des données, la représentation poétique, de ce que l’on a besoin de voir pour (se) raconter, (se) percevoir. Quel est ma ligne de vie ? Dans quel espace-temps je m’inscris ? À côté de quoi ? De qui ? Mais surtout, ce qui aiguise mon attention est comment le fait même de représenter autrement crée de nouveaux récits.
J’ai grand intérêt pour les formes de récits atypiques. Par exemple, comment raconter des histoires depuis d’autres points de vue : non-humains, post- catastrophistes et inclusifs, permet de trouver une forme d’humilité à cette époque de toute puissance destructrice.
Une « punaise américaine » vient tout à coup à ma rencontre alors que je suis en train d’écrire ce texte. Je la scanne pour apprendre son nom et je découvre que sa durée de vie est d’une ou deux années (du temps humain occidental et de leurs anciennes colonies). Je m’amuse à tirer le fil de mes interrogations. Est-ce que c’est parce que je prends plus de volume physique et sonore, que je vis plus longtemps, que je dois nécessairement la déconsidérer ? Qu’a t-elle à me-nous dire ? Je me dé/re-centre.
Enfant je rêvais d’avoir 80 ans (en bonne santé). J’avais l’intuition que rendre compte de son existence par les histoires était digne. Et je ressentais la malice de partager ce que j’aurai tissé à celles et ceux qui m’entoureraient. Dans mon imaginaire j’observais « la vieille Abigaël » pour qu’elle m’aide à trouver la route jusqu’à elle. Depuis je m’efforce d’envisager la mort dans une relation de curiosité, de dialogue, voire de bonne compagnie. Mettre en scène l’existence d’un entremêlement de réalités, rendre palpable le cycle de la Vie/Mort/Vie, que le public puisse toucher l’épaisseur du temps d’une façon qui l’encourage à se situer dans une temporalité multiple est ce qui me touche dans Espérance de vi(ll)e car j’ai de plus en plus envie d’accompagner ces réflexions dans l’espace public dont on a tout intérêt à se saisir pour écrire un futur joyeux, inspirant et émancipateur.